Diffuser la Coupe du monde féminine 2023 : une chance de faire la différence
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Diffuser la Coupe du monde féminine 2023 : une chance de faire la différence

Pourquoi faut-il acheter les droits de la prochaine Coupe du monde FIFA ?

Le 14 juin 2023, M6 et France Télévisions ont annoncé avoir acquis les droits de diffusion de la Coupe du monde féminine de football 2023 : lire notre analyse.

La prochaine Coupe du monde féminine de football FIFA aura lieu du 20 juillet au 20 août 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande. Après deux éditions en Chine, c’est la première fois que l’Océanie accueille le mondial. Un moment unique donc pour « mettre le football féminin sur le devant de la scène et montrer qu’il est aussi important que celui des hommes » disait encore récemment Fatma Samoura, la Secrétaire générale de la FIFA. Et pourtant, tout le monde ne pourra pas la voir.

Double standard ou absence de vision ?

Aujourd’hui encore, certains diffuseurs ne sont pas en capacité ou ne veulent pas financer les droits de retransmission de la manifestation, privant ainsi des millions de spectateurs de l’événement. La France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni, des terres historiques pour le football, figurent parmi les absents. C’est d’autant plus étonnant que 157 pays sur les 211 fédérations FIFA vont bénéficier d’une retransmission des 64 matchs de la compétition.

Alors que la Coupe du monde 2022 au Qatar a rassemblé plus de la moitié de l’humanité avec des audiences et des recettes historiques malgré l’ampleur des critiques, la question de la diffusion de la Coupe du monde féminine apparaît incongrue.

Et cela d’autant plus que le dernier Euro féminin 2022 en Angleterre a été une réussite à tout point de vue, dans la continuité de la Coupe du monde féminine 2019 organisée en France.

Pourtant cette édition, qui se joue aux antipodes, apparaît comme le parent pauvre des compétitions FIFA. Les diffuseurs temporisent et essaient d’obtenir les tarifs les moins élevés possibles. Personne n’est indifférent, les articles se multiplient, la pression s’accroît et les joueuses s’en émeuvent comme la joueuse de l’Olympique Lyonnais, Signe Bruun. Pour l’attaquante danoise, « ne pas voir cette Coupe du monde serait une grosse perte pour l’Europe, et pour le football féminin en général. » Sa coéquipière Ada Hegerberg ne dit pas autre chose au micro de Syanie Dalmat : « il faut trouver la meilleure solution pour l’intérêt de tout le monde. Les chiffres énormes de la Coupe du monde en France montrent que l’envie de la regarder est là. » Pour la première vainqueure du Ballon d’or féminin, il est « impossible qu’il n’y ait pas d’arrangement pour diffuser les matchs à la télévision ».

En dépit de l’intérêt suscité par le football féminin depuis dix ans, « l’offre des diffuseurs, notamment dans les cinq grands pays européens, reste très décevante » si l’on en croit Gianni Infantino, le président de la FIFA. S’il ne se l’explique pas, il qualifie avec dureté la situation. Pour lui, c’est un « véritable camouflet pour toutes les footballeuses qui participent à la Coupe du monde féminine et même pour les femmes en général. » Loin de se départir d’une vision comptable qui lui est souvent reprochée, le Valaisien mérite cette fois d’être entendu, à défaut d’être toujours écouté.

La nécessité de montrer des femmes qui jouent

« Si l’on veut que le football change, si l’on veut que la gouvernance se féminise, il faut que les petites filles d’aujourd’hui voient des femmes jouer et qu’on leur dise que c’est possible. De jouer, de gagner et d’agir sur le futur du football. »  Ces paroles ne sont pourtant pas de Gianni Infantino. Elles nous viennent d’une de ses principales opposantes, Lise Klaveness, l’ancienne footballeuse retraitée des terrains devenue présidente de la Fédération norvégienne de football en 2022.

Quand les opposants se rassemblent, les questions se posent et il est légitime de les entendre. Alors que les audiences de la Coupe du monde féminine représentent environ 50 à 60 % de celles d’une Coupe du monde masculine, les offres émanant des cinq grands pays européens seraient selon la FIFA « 20 à 100 fois inférieures à celles reçues pour la Coupe du monde ». En France, par exemple, là où la Coupe du monde masculine a coûté 130 millions d’euros au groupe TF1 qui en a sous-licencié une partie, les diffuseurs ne veulent pas dépasser ni même atteindre les 10 millions pour cette Coupe du monde féminine. La raison invoquée : elle va se dérouler en Australie et en Nouvelle-Zélande et elle ne peut être diffusée qu’en matinée en plein été ! Le risque de pertes serait trop grand.

La situation surprend pour des pays de sport et de football majeurs comme l’Angleterre ou l’Allemagne. Pour ce qui est de la France, l’avènement d’une nouvelle génération de joueuses et l’arrivée hautement médiatisée d’Hervé Renard ne pèsent pas suffisamment non plus, semble-t-il. Dès lors, une question s’impose : est-ce justifié ?

Un produit surpayé et qui n’intéresse pas ?

Certains diront que le football féminin n’est pas un sujet. Il serait moins intéressant et loin d’être spectaculaire. D’autres arguent que la manifestation à l’autre bout du monde les indiffère ou ne rassemblera pas les foules. Là encore, le problème est mal posé.

La question n’est pas celle de la demande, mais plutôt celle de l’offre.

Personne n’a oublié les stades remplis du Parc des Princes au Camp Nou (91 553 le 30 mars 2022), la finale de l’Euro à Wembley, les affluences croissantes de la National Women’s Soccer League aux États-Unis ou les investissements croissants des grandes ligues dans le football féminin. L’arrivée de Michele Kang, la propriétaire de la franchise du Washington Spirit dans le capital de l’Olympique Lyonnais féminin, est un autre signal faible. Le regard que l’on porte sur lui doit changer, car le football féminin n’est plus ce qu’il a été. Aujourd’hui, il intéresse à l’instar des autres sports au féminin. Encore faut-il les diffuser.

L’Euro féminin 2022, disputé en Angleterre au début de l’été passé, a été l’édition la plus regardée, avec une audience mondiale cumulée de 365 millions de téléspectateurs. Soit plus du double de l’audience de l’édition 2017 aux Pays-Bas (178 millions) et plus du triple de celle de 2013, en Suède (116 millions). À titre de comparaison, l’audience cumulée de l’Eurovision 2023 (162 millions) est deux fois moins importante.

Continuons avec des chiffres. La finale remportée par l’Angleterre, nation hôte, aux dépens de l’Allemagne a été vue par près de 50 millions de personnes dans le monde, soit trois fois plus que la finale 2017 entre les Pays-Bas et le Danemark. Certes, l’audience de la finale reste encore inférieure à celle d’un Grand Prix de Formule 1, notamment depuis la prise de pouvoir de Liberty Media sur les droits de la F1. Mais en termes de performances en direct et en audiences cumulées, le football féminin offre des perspectives d’audience inespérées. Elles sont en outre nettement moins onéreuses pour des diffuseurs, d’autant que le produit Coupe du monde est jeune.

Un record d’audience a ainsi été établi pour le quart de finale opposant la France et les États-Unis lors de la Coupe du monde le 28 juin 2019 avec 11,8 millions de téléspectateurs, selon les chiffres de Médiamétrie. Quand on sait que la manifestation a été vendue pour un coût total de 19 millions en France à TF1 et qu’il en a sous-licencié une partie à Canal +, la question de sa diffusion mérite d’être posée. Au-delà des négociations en cours, l’affaire n’est pas qu’une affaire de « juste prix », mais aussi d’envie de considérer le mondial féminin et de le montrer.

Le football féminin n’a jamais attiré autant, sur le Vieux Continent et en dehors. Pourtant, les diffuseurs refusent pour l’heure de payer et renâclent, espérant encore des tarifs à la baisse. Les principales raisons avancées sont prévisibles : le contexte économique est défavorable, le prix trop élevé pour une rentabilité limitée et le décalage horaire figure comme principale explication de cette désaffection.

Une argumentation qui cache une négociation maladroite et à court terme

Ceux qui avancent ces arguments ont la mémoire sélective. Expliquer que cette Coupe du monde décalée n’intéressera pas en raison du décalage horaire, omet d’autres précédents masculins. Les éditions masculines se sont tenues à plusieurs reprises loin des fuseaux horaires européens. De la Coupe du monde aux États-Unis en 1994 jusqu’à Qatar 2022, les exemples ne manquent pas.

Ce sont probablement les mêmes qui oublient également le succès des Jeux de Sydney ou de Beijing, les audiences de la Coupe du monde 2002 co-organisée au Japon et en Corée du Sud, le Super Bowl, les finales NBA ou les futures compétitions internationales qui vont aller des États-Unis (Coupe du monde United 2026, Los Angeles 2028, Coupes du monde de rugby 2031 et 2033) jusqu’en Australie (Coupe du monde de rugby 2027, Brisbane 2032) lors de la prochaine décennie.

Quant à la rentabilité économique, il convient aussi aux diffuseurs de construire une offre capable d’installer le produit football féminin et de valoriser l’investissement consenti afin de pleinement rentabiliser un événement qui ne manquera pas à terme d’attirer et de faire parler. C’est d’ailleurs surprenant que parmi les pays privés de diffuseurs se trouvent trois candidats à la victoire finale et à des audiences maximales : l’Angleterre, l’Allemagne… et la France.

La raison devrait s’imposer et mobiliser au contraire des diffuseurs toujours très enclins à cibler les spectatrices. Dès lors, pourquoi une telle désaffection ?

Une absence de vision et un court-termisme aveuglant

Investir davantage dans les droits d’une Coupe du monde féminine qui se joue en matinée en Europe ne serait ni rentable ni profitable. L’argument est simple. Il semble imparable, mais il est court quand on compare les droits en jeu, leurs coûts supposés, leurs retombées et les priorités des diffuseurs. À titre de comparaison, si l’on en croit le Figaro.fr, la saison 23 de Koh Lanta et ses 17 épisodes ont coûté presque la même somme à TF1 que la Coupe du monde 2019…

La Coupe du monde féminine doit être considérée comme un investissement et pas comme un simple pari sur l’audience à venir et sa rentabilité immédiate. Le raisonnement économique ne fonctionne qu’à trop court terme. Il faut penser et voir plus loin.

Nos sociétés sont composées à plus de 50 % de femmes. Ce sont elles qui sont prescriptrices. La croissance des audiences le montre. Le réservoir est immense, mais il faut préparer et construire l’attractivité du produit. Le sport au féminin et le football sont un segment à développer et un véritable relai de croissance potentielle. Pour le diffuseur… comme pour ses annonceurs.

Les marques ne s’y trompent pas. Les valeurs du football au féminin sont plus attractives. Ce sont des « cibles stratégiques » (Nathalie Boy de la Tour). Vincent Cottereau, le Directeur sponsoring d’Arkema et principal sponsor de la Division 1 féminine, considère « le sponsoring du football féminin comme un levier majeur ». Comme il l’expliquait à Ecofoot, « pour la notoriété de la marque employeur, investir dans le sport féminin, c’est très bénéfique. » Investir dans le sport féminin de très haut niveau permet de valoriser ses produits et services, mais c’est aussi un excellent instrument pour « contribuer à la féminisation des effectifs et s’adresser à de nouveaux publics. »

De la marque employeur au fait de s’adresser à d’autres publics, accompagner la visibilité du football féminin s’impose comme un enjeu majeur. Pour les entreprises et plus sûrement pour nos sociétés. Les diffuseurs doivent le considérer dans leurs négociations.

Une question de la responsabilité : inspirer et promouvoir l’égalité dans les faits

Quand bien même ce mondial indiffèrerait, l’enjeu de sa diffusion dépasse la somme des intérêts corporatistes et particuliers ou le montant des retombées publicitaires. Il n’est pas ici simplement question de coûts de diffusion, de conditions de production ou de rentabilité pour la FIFA ou les diffuseurs.

D’autres choses se jouent.

La visibilité de la manifestation est nécessaire pour les joueuses, pour nos filles et plus généralement pour nos enfants. Le 5 février dernier, l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique appelait à lutter contre le « très faible taux de retransmission de sport féminin sur les écrans » dans son étude dédiée à la médiatisation du sport féminin. La proportion de sport féminin diffusée sur les chaînes françaises est ainsi passée de 3,6 % en 2018 à 4,8 % en 2021. Elle doit augmenter et seul le volontarisme le permettra. Les diffuseurs sont en première ligne. Soit ils s’impliquent, soit on le leur reprochera.

Demain se prépare dès cet été. L’ancienne cycliste de haut niveau, Marie-Françoise Potereau, aujourd’hui vice-présidente du Comité national olympique et sportif français chargée de la mixité pour Paris 2024 est explicite : « Il est important de continuer à montrer du sport féminin pour faire rêver de jeunes filles. Il faut qu’elles puissent se dire qu’elles peuvent aussi prétendre à faire du sport de haut niveau, notamment en obtenant des résultats. C’est aussi une manière de faire prendre conscience à l’ensemble de la population qu’il existe du sport féminin en général. »

La ministre des Sports, Amélie Oudéa Castéra, s’en est d’ailleurs justement mêlée en prenant « l’engagement qu’il y aura bien une retransmission » avant d’ajouter qu’« il faut que nos diffuseurs, comme ils s’y sont engagés vis-à-vis de moi, y aillent en faveur du foot féminin et, sans doute, qu’ils relèvent un petit peu leurs offres pour que chacun fasse une part du chemin, même si le chemin à faire par l’une et l’autre partie n’est probablement pas tout à fait équivalent. J’ai confiance. »

Une opportunité de marché, un investissement à travailler

Le message est clair et il rejoint la position du Président de la FIFA. « Pour être parfaitement clairs, nous considérons comme une obligation morale et juridique notre refus de brader la Coupe du monde féminine. En conséquence, si les diffuseurs continuent de se montrer injustes envers la Coupe du monde féminine et les femmes, nous serons dans l’obligation de ne pas diffuser la Coupe du monde féminine dans ces cinq grands pays européens. J’en appelle donc aux joueuses, aux joueurs, aux supporters, aux dirigeants, aux présidents, aux premiers ministres, aux politiciens et aux journalistes du monde entier. Rejoignez notre combat et, vous aussi, exigez une juste rémunération du football féminin. Elles le méritent. C’est aussi simple que cela. »

L’argent importe, mais il n’est pas tout. L’effort doit être commun. L’histoire nous prouve d’ailleurs que l’audace paie. Le football français masculin a ainsi mis du temps à s’imposer sur nos écrans. Sa première diffusion en direct date de 1952 et sa télédiffusion est loin d’avoir été linéaire. Entre la finale de Coupe de France entre Nice et Bordeaux et le match France-Allemagne d’octobre, téléviser le football n’a jamais été simple, en France comme ailleurs. La Coupe du monde 1966 a constitué une rupture, mais il a encore fallu plus de vingt ans pour qu’il s’installe définitivement sur nos écrans.

Aucune chaîne ne voulait retransmettre par exemple les buts du championnat avant TF1 et la naissance de Téléfoot en 1977. Et il a fallu attendre Canal+ en 1984 pour assister au premier match de championnat en direct, Nantes-Monaco. Les leçons du passé doivent être comprises. L’histoire du football télévisé souligne que l’offre l’emporte sur la demande et la réalité supposée du marché. Le diffuseur qui gagne est celui qui innove et prend des risques. C’est celui qui crée par l’offre qu’il propose, le produit qui fera son succès. TF1 et Canal+ l’ont démontré par le passé. Aux diffuseurs actuels de s’en rappeler et de s’en inspirer.

Aujourd’hui, le football est devenu un produit phare de notre paysage audiovisuel et de notre quotidien. Il est au cœur des millions d’images regardées et partagées sur nos écrans. Ce n’était pourtant pas gagné avec les années 1980. Le football féminin n’échappe pas à la règle. Il doit être soutenu et accompagné. La prise de risque n’en est pas une. On ne peut pas utiliser le produit football féminin uniquement lorsqu’il fonctionne et s’en désintéresser à la moindre difficulté. Procéder ainsi, c’est se priver de ce qu’il peut offrir à moyen et long terme. Au risque de tous le regretter.

La diffusion du football sur nos écrans tient autant de l’opportunité de marché que de l’audace et du volontarisme des acteurs. Oser ne se fait jamais en vain.

La responsabilité des diffuseurs, la question des enjeux de représentation

En dehors des logiques économique et financière qui accompagnent la Coupe du monde 2023, il faut également considérer la question de la responsabilité sociale et morale de l’ensemble des acteurs concernés. À commencer par les diffuseurs impliqués. La compétition féminine qui va se jouer en Australie et en Nouvelle-Zélande est porteuse d’enjeux de représentation que peu considèrent. À tort. 

Selon Anja Mittag, l’ancienne internationale allemande et actuelle entraîneure du RB Leipzig, « nous avons besoin de toutes les Sam Kerr et Pernille Harder de ce monde pour continuer à faire avancer le football et pour que de plus en plus de jeunes joueuses s’inspirent de leur exemple. » Or, pour cela, il faut les voir. Elle-même a déploré cette situation. « Quand j’étais jeune, je voulais jouer pour l’équipe nationale masculine, car je ne savais même pas qu’il existait une sélection féminine ». Faute de diffusion…

Voir des jeunes femmes jouer au football en Coupe du monde reste le paroxysme du football féminin de sélection. Il y a donc un premier enjeu de visibilité et d’égalité qui se pose. Il y a une première nécessité, celle de diffuser la compétition et de la montrer dans des conditions favorables. Mais il faut aller plus loin.

La représentation médiatique des femmes qui jouent au football est politique.

Le besoin d’inspiration et d’identification : des rôles modèles, un autre visage du football

Voir les femmes jouer et les meilleures footballeuses s’exprimer, c’est l’occasion de développer le sport pour les femmes et nos enfants, mais c’est aussi une opportunité de souligner la place qu’elles occupent et peuvent occuper dans nos sociétés. Quelles que soient leurs origines, leur extraction sociale, leur nationalité ou leurs convictions.

Le sport est un vecteur de nouvelles représentations, un levier de développement et d’inspiration. Ici comme ailleurs. Par l’exemple qu’il offre, le football au féminin est un facteur du changement. Dans le cas du mondial 2023, les enjeux de représentation et d’inclusion qui accompagnent sa diffusion sont cruciaux. Ce n’est pas « simplement du sport » comme on l’entend trop souvent.

Diffuser cette Coupe du monde, c’est l’occasion d’offrir à nos filles et à notre jeunesse, d’autres inspirations et des rôles modèles différents. Megan Rapinoe a été l’un de ces visages. Pour les générations présentes et futures, une telle compétition est importante. Elle fait surgir des modèles féminins forts, engageants comme Alex Morgan, des femmes talentueuses, compétentes qui gagnent et performent comme Alexandra Popp ou Beth Mead.

Un événement comme une Coupe du monde est idéal. Il encourage par l’exemple, les femmes et les jeunes filles à jouer au football, à faire du sport. Et même si parfois cela ne dure pas, une telle manifestation les conduit à considérer comme normales, leur place sur les terrains et en dehors !

Ce sont des images précieuses au regard des inégalités qu’elles vivent et subissent. Voir, c’est donner envie de faire, c’est imaginer que c’est possible. Diffuser le sport féminin et le médiatiser, c’est donc contribuer à l’idée que les femmes peuvent exister par elles-mêmes, s’épanouir et gagner. À l’instar des hommes.

À l’heure où les conservatismes les plus obscurantistes visent les femmes en Europe et ailleurs, à l’heure où les enjeux de sport-santé n’ont jamais été aussi criants, il serait dommage de se priver de voir des footballeuses du monde entier se mesurer les unes aux autres. Le niveau de développement de nos sociétés se jauge à la place que l’on réserve à nos filles et à nos femmes. Dans le football, sur nos écrans et en dehors…

Au travers de cette manifestation, d’autres comportements s’affirment aussi. D’autres normes s’affichent. Une Coupe du monde, ce sont des femmes de tous les pays qui s’affrontent et surtout se rencontrent. Toutes se confrontent aux expériences subies et vécues et les questionnent. C’est une école du dépassement de soi et de ses stéréotypes. Ce sont ainsi d’autres images du football, du sport et du monde qui sont possibles. D’autres référents et d’autres incarnations sont proposés. Loin des violences quotidiennes des stades, loin des tribunes hurlant des chants racistes ou homophobes, le football au féminin porte d’autres valeurs. Il offre d’autres engagements et ne renvoie pas les mêmes images détestables qu’ailleurs. Même si personne n’a oublié l’agression de Kheira Hamraoui, diffuser la plus grande manifestation mondiale du football féminin, c’est aussi une question de responsabilité sociale, une question politique.

C’est l’opportunité de montrer qu’une autre société, qu’un autre football sont souhaitables et possibles.

La Coupe du monde 2023 est l’une des clefs de ce changement et peut-être même un tournant pour la prochaine génération. Diffuser la Coupe du monde est une question qui dépasse le cadre du terrain et de sa visibilité. C’est un arbitrage entre son coût, sa profitabilité, ses retombées à moyen et long terme. Et pas seulement pour les diffuseurs.

Comme le disait récemment Fatma Samoura, la Secrétaire générale de la FIFA, « tout le monde parle d’égalité, de parité. Nous voudrions que ces paroles se transforment en actions. »