La France diffusera la Coupe du monde féminine 2023 : un premier pas vers la pérennisation du football féminin
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La France diffusera la Coupe du monde féminine 2023 : un premier pas vers la pérennisation du football féminin

Enfin !

La nouvelle est tombée. La Coupe du monde féminine 2023 qui se déroule en Australie et en Nouvelle-Zélande, sera diffusée en France. La raison l’a emporté. La mobilisation médiatique a opéré, la pression politique des ministres des Sports européens a fini par… payer.

Un accord gagnant-gagnant

La FIFA et les diffuseurs français ont donc réussi à s’entendre sous le regard attentif de la ministre des Sports, Amélie Oudéa Castéra. Associée à sa collègue de la culture, Rima Abdul Malak, cette dernière s’est d’ailleurs félicitée de « cet accord qui est une formidable nouvelle pour la promotion du football féminin en France. »

M6 et France Télévisions ont décidé de s’unir et d’investir ensemble dans la diffusion du football féminin et sa promotion. Et ce n’est pas une nouvelle comme les autres. Acheter les droits d’un Mondial 2023 qui se joue aux antipodes est un signal fort.

Même si elle était aussi tardive qu’attendue, une telle décision s’inscrit dans une volonté de promouvoir médiatiquement le football féminin et plus généralement le sport au féminin. Dans le contexte des Jeux de Paris 2024 et du sport, future grande cause nationale, il ne pouvait en être autrement. C’était nécessaire.

Loin des arguments financiers et du risque d’audiences décevantes, l’ensemble des parties a œuvré de concert. Selon les ministres des Sports et de la Culture, cet accord « témoigne de la volonté des acteurs de l’audiovisuel public et privé d’avoir, aux côtés de l’État, une approche ambitieuse pour le sport et la culture sportive dans notre pays. »

Diffuser, c’est promouvoir

Le football féminin, en plein essor, mérite d’être mis en valeur. Les Bleues s’imposent comme son fer de lance de sa promotion. Leur parcours se devait d’être diffusé. Sous la pression, le duo M6-France Télévision a pris sa part de et assumé ses responsabilités. Ils ont aussi assuré qu’ils se mobiliseront « pleinement pour suivre le Mondial et soutenir les Bleues dans leur parcours. »

Au-delà de la communication de rigueur, les mots ont leur importance. L’ambition de Delphine Ernotte Cunci, la directrice générale de France Télévisions, dépasse ainsi de loin le simple cadre d’une diffusion sportive. L’enjeu de la diffusion du Mondial 2023 se double d’une prise de conscience du rôle politique et social d’une telle mise en valeur médiatique.

Ainsi, son objectif est-il de « faire de ce Mondial, une grande fête du football féminin pour donner à toutes les petites filles, l’envie de pratiquer le plus populaire des sports. » Il reste à y parvenir, mais pour l’heure, la dynamique est bien plus favorable qu’il y a quelques semaines.

Un coût à court terme, un investissement générationnel profitable à moyen terme

Inspirer les filles et les femmes a évidemment un prix. Jean-Michel Aulas, désormais chargé de la promotion du football féminin à la FFF, le sait mieux que quiconque. Il a participé aux négociations durant lesquelles la FIFA a baissé ses prétentions initiales pour favoriser une solution viable pour les diffuseurs. Et les positions se sont rapprochées pour aboutir à un accord qui « se situe finalement entre six et dix millions d’euros. »

C’est un pas qui coûte pour les diffuseurs comme pour l’organisation internationale, mais il fait avancer l’ensemble des acteurs de l’écosystème du football féminin. Loin du « camouflet » initial qu’a constitué le feuilleton de la diffusion de la Coupe du monde 2023.

Inspirer une génération, un premier défi

Dans un sport qui manque de visibilité, de reconnaissance et de moyens, diffuser une des plus importantes compétitions féminines crée un engouement et un effet d’entraînement indéniablement favorable.

La force de traction d’un événement sportif international comme le Mondial est précieuse pour inspirer une génération. C’est assurément l’un des moyens les plus efficaces pour encourager l’essor et la pratique du football. Nous l’avons vu en 2019 en France et lors de l’Euro 2022 en Angleterre. Ces événements sont plus que des compétitions internationales, elles sont le summum du football au féminin avec la Ligue des Champions féminine de l’UEFA. Lise Klaveness, l’ancienne footballeuse devenue présidente de la Fédération norvégienne de football en 2022 le rappelait encore il y a quelques semaines : « Si l’on veut que le football change, si l’on veut que la gouvernance se féminise, il faut que les petites filles d’aujourd’hui voient des femmes jouer et qu’on leur dise que c’est possible. De jouer, de gagner et d’agir sur le futur du football. »

Cela va d’ailleurs plus loin que le ballon rond et sa pratique comme l’a expliqué Fatma Samoura, la secrétaire générale de la FIFA : « le football féminin est un levier puissant pour l’égalité des genres et l’émancipation des femmes et des filles. »

L’autre défi : comment pérenniser et développer le football féminin ?

Avec ses 220 000 licenciées contre plus de 2,18 millions pour le football masculin, les perspectives de croissance sont conséquentes, surtout quand on sait que les femmes représentent 51,6 % de la population nationale. En convertir une part et les conduire vers la pratique est un défi commun. Il est ambitieux. Il peut donner le vertige, mais il est loin d’être inatteignable. Diffuser le Mondial 2023 va contribuer à l’effort collectif tout en représentant une vraie opportunité… de marché.

Toutefois, les problèmes perdurent : la question du modèle économique du football féminin n’est pas réglée. Que ce soit en clubs ou en sélection. Les atermoiements et les négociations autour de la diffusion du Mondial l’ont montré. Construire sa rentabilité sera une nécessité pour lui permettre de se développer de manière soutenable.

Sur ce point, l’économie du football féminin doit encore croître pour prospérer et se professionnaliser pour offrir le produit le plus attractif possible. L’équation économique reste difficile à résoudre et la viabilité de l’ensemble reste précaire. C’est le défi de la décennie. Diffuser le Mondial 2023 l’y aidera, là encore.

Demain, c’est maintenant.

Un cercle vertueux se dessine et comme les bonnes nouvelles sont de saison, l’alliance M6 et France Télévisions a annoncé qu’elle ne se contenterait pas de l’achat des droits de la coupe du monde féminine 2023. En effet, les deux groupes ont annoncé qu’ils devenaient les co-diffuseurs de l’Équipe de France Féminine pour les quatre prochaines saisons (2023-2027). L’Euro 2025 et la Coupe du monde 2027, mais aussi les matchs de la Ligue des nations 2023 et 2025 ou les rencontres amicales de l’équipe de France de football féminin seront toutes retransmises. Quant aux affiches prime time, elles seront réservées aux antennes les plus suivies : France 2, France 3 ou encore W9. Nous sommes donc passés d’une situation de potentielle invisibilité du football féminin de sélection à très court terme en France à une retransmission garantie jusqu’en juin 2027.

La situation semble idéale pour toutes les parties. Les diffuseurs s’offrent un investissement stratégique à coût modéré, potentiellement très rentable si l’on se souvient des 10 millions de téléspectateurs de moyenne qui ont suivi les matchs des Bleues lors du Mondial 2019.

Quant au football féminin, il se garantit pour sa part, une exposition médiatique favorable à moyen terme et une vitrine recherchée qu’il reste encore à éditorialiser.

Canal+ a prolongé, de son côté, son contrat de diffusion jusqu’en 2029 avec la D1 Arkema. « Cette double annonce est une excellente nouvelle pour la FFF » (Philippe Diallo, président de la FFF) et pour tout le football féminin en France.

Jean-Michel Aulas, l’architecte de l’OL féminin en résume le mieux la portée. Ces accords vont « permettre aux footballeuses d’avoir la visibilité qu’elles méritent et, à terme, la fréquentation dans les stades dont elles rêvent. »

Et si les Bleues s’illustrent sous la direction d’Hervé Renard, tout le monde en sortira doublement gagnant.