Le leadership entrepreneurial en tant que catalyseur du changementet de l’innovation sociale
RÈGLES DU JEU - finance, RSE, éthique

Le leadership entrepreneurial en tant que catalyseur du changementet de l’innovation sociale

Avant-propos

Cet article porte sur le potentiel de la vision entrepreneuriale en tant que moteur du changement social, notamment par l’innovation et l’agilité qu’elle apporte. En comparant les impacts de la vision entrepreneuriale aux approches traditionnelles d’origines gouvernementales ou philanthropiques, l’auteur met en lumière les forces de l’innovation sociale, à la fois ancrée dans les contraintes du réel et à l’écoute des questions les plus concrètes. Porter une telle transformation exige une vision singulière, propre aux entrepreneurs, qui doit être soutenue par tous les acteurs concernés. Cet article se propose justement d’exposer cette vision et d’en démontrer la portée.

S’appuyant sur des études de cas concluantes, l’auteur propose une nouvelle voie et des solutions pour déployer le leadership entrepreneurial à grande échelle. Ces solutions mettent en avant le rôle écosystémique que chaque acteur est appelé à jouer.

Introduction :

Dans un monde confronté à des défis majeurs tels que la pauvreté, les inégalités et les problèmes environnementaux, les approches traditionnelles, comme l’aide gouvernementale descendante ou les modèles caritatifs classiques, ont souvent montré leurs limites (Millard & Fucci, 2023). L’innovation sociale – qui englobe des solutions novatrices telles que la microfinance, les initiatives en lien avec les énergies renouvelables ou les projets éducatifs communautaires – nécessite un leadership à la fois visionnaire et flexible. Pour que de telles solutions voient le jour, certains leaders doivent être prêts à prendre des risques calculés. Muhammad Yunus, de la Grameen Bank, figure parmi ces acteurs dotés d’une capacité unique à évoluer dans des environnements aux ressources limitées, tout en étant capables d’inspirer les autres. De tels profils jouent un rôle déterminant dans le développement des innovations. Grâce au travail de Yunus dans la microfinance, des millions de personnes ont pu accéder aux services financiers, ce qui démontre que le leadership entrepreneurial est efficace pour produire des avancées sociétales. Cet article porte sur la manière dont le leadership entrepreneurial peut stimuler l’innovation sociale et met en lumière les qualités qui permettent à ces leaders de transformer la société en profondeur.

Les leaders visionnaires mobilisent des ressources, surmontent les contraintes et provoquent le changement social.

Le leadership entrepreneurial, défini par des qualités telles que la créativité, la résilience et la vision, s’impose comme un levier essentiel pour promouvoir l’innovation sociale (Kuratko, 2007 ; Leadbeater, 2007 ; Renko et al., 2015). La créativité permet à ces leaders de créer des solutions innovantes pour répondre aux problèmes sociaux complexes. La résilience leur permet de surmonter les échecs et les revers, et la vision leur donne la capacité de percevoir des opportunités là où d’autres ne voient que des obstacles, ce qui inspire leur entourage à les suivre. L’innovation sociale désigne quant à elle le développement et la mise en œuvre de solutions nouvelles répondant aux besoins sociaux les plus urgents, qui favorisent le bien-être et le développement des communautés. Dans ce contexte, le concept d’innovation frugale, qui met en avant la création de valeur avec des ressources limitées, revêt une importance particulière. Les capacités liées à ce concept – telles que le fait de privilégier les fonctionnalités essentielles, de réduire considérablement les coûts et de promouvoir un engagement durable et solidaire – jouent un rôle crucial dans les environnements aux ressources limitées (Rossetto et al., 2023 ; Zeschky, Widenmayer & Gassmann, 2011). L’intégration de ces principes au leadership entrepreneurial renforce la capacité à traiter efficacement les problématiques sociales. Contrairement aux leaders traditionnels, ces acteurs recherchent activement des opportunités dans des environnements marqués par la rareté des ressources et identifient des axes novateurs pour résoudre les problèmes sociaux les plus pressants (Heifetz & Linsky, 2002). Les travaux de Muhammad Yunus (Grameen Bank) ou ceux de Bunker Roy (Barefoot College) illustrent le pouvoir transformateur du leadership entrepreneurial dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités de genre (Roy, 2011 ; Yunus, 2007).

Par nature, les entrepreneurs aiment prendre des risques et remettre en question le statu quo. Cette spécificité leur permet de surmonter les barrières institutionnelles qui, bien souvent, entravent le progrès social (Battiliana et al., 2012). Les leaders visionnaires, comme Elon Musk et Jacqueline Novogratz, souhaitent créer des solutions durables. Ils montrent ainsi que les approches novatrices peuvent produire des changements à grande échelle, même dans des secteurs traditionnellement énergivores, comme ceux des véhicules électriques et de l’exploration spatiale. Via Acumen, Jacqueline Novogratz a investi dans des initiatives à fort impact telles que d.light, un acteur du secteur de l’énergie solaire qui offre des solutions abordables aux communautés mal desservies. Son engagement en faveur du progrès social montre que le leadership entrepreneurial permet de relever les défis sociétaux. De son côté, Elon Musk souhaite faire rimer rentabilité et bénéfices sociétaux. Avec des projets comme Tesla, qui met en avant les véhicules propres et la réduction des émissions de carbone, ou encore SpaceX, dont l’objectif ultime est de permettre aux humains de vivre sur d’autres planètes, l’homme d’affaires souhaite créer de l’innovation sociale à plus grande échelle (Westley & Antadze, 2010). Récemment, ce dernier s’est également lancé en politique aux côtés de Donald Trump. Avec l’entrepreneur Vivek Ramaswamy, il participe également au « DOGE », le projet de réduction des dépenses publiques des États-Unis. Cette implication montre que les leaders peuvent utiliser leur influence au-delà du monde des affaires et appliquer leurs approches innovantes à l’échelle gouvernementale et politique pour, potentiellement, transformer la société en profondeur.

Le rôle des gouvernements peut être repensé pour mieux soutenir l’innovation, notamment en favorisant les investissements et en allégeant les contraintes. Au Royaume-Uni, l’initiative « Social Investment Tax Relief » (SITR) a par exemple permis de réduire les obstacles financiers pour les entreprises sociales et facilité l’essor d’innovations sociétales. Les responsables politiques peuvent également mettre en place des partenariats publics-privés pour gérer efficacement des problématiques majeures. L’Energiewende (la transition énergétique allemande) a d’ailleurs permis d’obtenir des avancées majeures dans le secteur des énergies renouvelables en impliquant le secteur privé. En outre, l’intégration de politiques d’innovation frugale qui soutiennent les projets axés sur l’efficience (comme la production de dispositifs médicaux à faible coût) peut élargir l’accès aux services essentiels (Rossetto et al., 2023).

Les investisseurs à impact devraient également soutenir l’entrepreneuriat social et se concentrer non seulement sur les retours financiers, mais également sur l’impact sociétal. L’ONG Acumen, qui investit dans des entreprises qui fournissent des services essentiels aux communautés à faibles revenus, illustre bien le rôle clé du financement dans l’essor des innovations sociales. De même, en finançant des entreprises sociales orientées vers l’éducation, l’inclusion financière et l’identité numérique, l’Omidyar Network a joué un rôle déterminant et montré que l’investissement pouvait contribuer à l’expansion d’initiatives réellement impactantes. Pour évaluer le succès de leurs investissements, les investisseurs doivent intégrer des indicateurs sociaux en parallèle des critères financiers traditionnels. Évaluer l’amélioration du bien-être des communautés ou la réduction de l’impact environnemental permet par exemple d’obtenir une vision plus complète des « retours sociaux sur investissement ». En outre, le fait d’encourager les partenariats de co-investissement pourrait également permettre de réduire les risques et de renforcer le soutien aux projets plus ambitieux et transformateurs.

L’importance des écosystèmes entrepreneuriaux

L’innovation sociale ne peut se développer efficacement sans l’appui d’un écosystème interconnecté regroupant gouvernements, institutions financières, société civile et secteur privé (Isenberg, 2010 ; Porter & Kramer, 2011). Les gouvernements définissent les cadres réglementaires et apportent un soutien stratégique, les institutions financières mettent à disposition des outils et des capitaux, la société civile partage ses connaissances et défend les besoins des communautés, tandis que le secteur privé contribue par l’innovation, ses ressources et sa capacité à déployer initiatives à grande échelle. Les écosystèmes entrepreneuriaux jouent un rôle fondamental et fournissent des ressources essentielles : financements, mentorat, infrastructures et appui politique, autant d’aspects indispensables aux avancées sociétales. En Inde, l’incubateur Social Alpha a joué un rôle clé dans l’émergence de nombreuses innovations sociales, en offrant des financements d’amorçage, une assistance technique et en mettant les entrepreneurs en relation avec des experts de divers secteurs – des initiatives essentielles pour soutenir leur développement. Ces écosystèmes permettent aux leaders entrepreneuriaux de tirer parti des connaissances collectives, de bâtir des alliances stratégiques et de mobiliser des ressources autrement inaccessibles.

Par exemple, le modèle de BarefootCollege, qui forme des femmes issues des communautés rurales aux carrières de l’ingénierie solaire, a connu un véritable succès grâce à un réseau de soutien impliquant les gouvernements locaux, des donateurs internationaux et des experts techniques. Toutes ces parties ont contribué à la création d’un impact durable (Roy, 2011). De même, la Grameen Bank a pu développer ses opérations de microfinance en s’appuyant sur un écosystème réunissant les communautés locales, le gouvernement et des institutions financières internationales. Si cette approche collaborative a permis d’obtenir l’assise financière nécessaire, elle a également renforcé l’implication et la confiance des communautés.

C’est au Kenya que l’on trouve un autre exemple marquant : celui du Green Belt Movement, fondé par Wangari Maathai. Son succès repose en grande partie sur la collaboration entre les communautés locales, les ONG et les instances gouvernementales. Cette approche globale a permis de planter plus de 50 millions d’arbres et de contribuer à la lutte contre la déforestation, tout en offrant aux communautés (et aux femmes en particulier) des opportunités économiques, ainsi qu’une formation en gestion environnementale.

Le réseau de la Skoll Foundation a également joué un rôle déterminant dans le soutien des écosystèmes entrepreneuriaux en favorisant la collaboration et en créant une plateforme dédiée au partage des meilleures pratiques. D’autres exemples, plus anciens cette fois, montrent que les initiatives entrepreneuriales peuvent avoir un impact sociétal durable. Au XXe siècle, Andrew Carnegie avait utilisé sa fortune pour financer de nombreuses bibliothèques publiques partout aux États-Unis, créant ainsi un précédent pour les générations suivantes de leaders.

L’innovation frugale, qui consiste à « faire plus avec moins », est particulièrement pertinente pour les marchés émergents, où la gestion créative des ressources s’avère souvent indispensable (Radjou & Prabhu, 2014 ; Rossetto et al., 2023). En Inde, la Jambe de Jaipur incarne parfaitement cette approche : cette prothèse, proposée aux personnes dans le besoin, est produite de manière économique à l’aide de matériaux locaux. Ce modèle a prospéré en grande partie grâce à un écosystème de soutien impliquant des artisans locaux, des prestataires de soins de santé et des organisations caritatives. Les communautés ont ainsi pu valoriser efficacement les ressources disponibles et développer des solutions à fort impact social, à la fois durables et adaptables.

Les leaders communautaires pourraient jouer un rôle clé en organisant des hackathons ou des concours d’innovation pour générer des idées et multiplier les solutions populaires aux problématiques locales et urgentes. En Inde, le « Smart City Hackathon » a inspiré de nombreuses communautés urbaines, qui ont ensuite développé des solutions technologiques dédiées à la gestion des déchets et de l’énergie, démontrant ainsi le potentiel de l’engagement local. Au Kenya, le « Youth Entrepreneurs Program » a réuni des leaders communautaires et des jeunes, qui ont réfléchi ensemble à la création de nouvelles entreprises afin de réduire le chômage et de répondre aux enjeux locaux. Ces initiatives permettent non seulement de générer des solutions concrètes, mais également d’instaurer une culture de l’innovation et de la résilience à l’échelle communautaire.

Nous voyons comment les écosystèmes entrepreneuriaux favorisent l’innovation grâce à des pôles collaboratifs qui réunissent divers acteurs, tels que les institutions académiques, les investisseurs, les agences gouvernementales, les ONG et les leaders communautaires. Ces pôles jouent un rôle essentiel, car ils facilitent les échanges d’idées, offrent un accès aux infrastructures et soutiennent les jeunes entreprises susceptibles de produire des changements sociaux. Social Alpha, un incubateur indien, accompagne les entrepreneurs engagés dans la résolution de problématiques sociales majeures en facilitant leur mise en relation avec des experts du secteur, et en leur octroyant des financements d’amorçage ainsi qu’un soutien technique. Cette approche leur assure une base solide pour se développer et générer un impact durable.

Défis et opportunités liées à l’innovation sociale

Les leaders entrepreneuriaux sont confrontés à de nombreux défis : l’accès restreint aux financements, les obstacles administratifs ou encore la résistance institutionnelle. L’obtention d’un permis dans le cadre de projets d’innovation sociale est une procédure souvent longue et complexe, impliquant plusieurs agences gouvernementales et soumise aux lourdeurs administratives. Par ailleurs, l’accès aux financements auprès des banques traditionnelles reste difficile, car de tels projets sont souvent perçus comme risqués et ne correspondent pas toujours aux exigences de garanties conventionnelles. Face à ces défis, les leaders peuvent s’appuyer sur des partenariats avec les gouvernements locaux, les ONG et des investisseurs engagés, qui leur permettent de contourner les obstacles réglementaires et d’obtenir les financements nécessaires. Le partenariat entre la Grameen Bank et les autorités locales au Bangladesh, qui a permis de mettre en place des services de microfinance à destination des communautés marginalisées, illustre bien cette approche. Le recours à des mécanismes de financement alternatifs (comme le crowdfunding), ainsi que la création de réseaux de mentorat impliquant des entrepreneurs expérimentés permet également d’obtenir les soutiens et les informations nécessaires pour surmonter les résistances institutionnelles. La collaboration avec les gouvernements locaux ou les organisations à but non lucratif permet de contourner les obstacles réglementaires, tandis que les investisseurs ou mentors engagés apportent un soutien financier et leurs conseils stratégiques. Confronté à de nombreuses barrières législatives, Muhammad Yunus a persévéré pour créer la Grameen Bank et imposer un modèle de microfinance ayant touché des millions de personnes. Et en Inde, les acteurs du projet Araku Coffee, créé pour soutenir les tribus de cultivateurs de café via un écosystème de production durable, ont dû surmonter les obstacles bureaucratiques liés à l’obtention des permis fonciers et des licences d’exportation. Enfin, les mécanismes de financement alternatif, tels que l’investissement à impact social et le crowdfunding, jouent un rôle crucial : ils favorisent l’innovation sociale en apportant des capitaux de manière flexible et engagée, et souvent plus accessibles aux entrepreneurs sociaux.

Toutefois, il convient de souligner que l’approche entrepreneuriale ou économique ne permet pas toujours de répondre aux enjeux sociaux et politiques. En 2017, Emmanuel Macron, Président de la République française issu du monde de la banque et de la finance, a lancé l’idée de faire de la France une « start-up nation ». Mais son projet a rapidement suscité une énorme vague de mécontentement social, incarné notamment par les Gilets Jaunes. Cela démontre que certaines questions sociétales ne sauraient être abordées via un prisme exclusivement économique. Pour surmonter ces résistances, il est nécessaire d’adopter une approche réfléchie, soutenue par des politiques publiques et des partenariats réunissant différents secteurs (Westley & Antadze, 2010). Ces éléments peuvent créer des environnements propices à l’innovation sociale, tout en prenant en compte les limites des solutions économiques face aux enjeux sociétaux.

Mais au travers de leurs politiques de RSE, les entreprises peuvent jouer un rôle déterminant dans la promotion de l’innovation sociale et environnementale. Patagonia s’est par exemple imposée en tant que modèle de durabilité verte : la marque consacre 1 % de ses ventes à des causes environnementales, prouvant ainsi qu’il est possible de conjuguer engagement écologique et succès commercial. Unilever, de son côté, incarne cette vision avec son « Plan de Vie Durable », qui consiste à réduire l’impact environnemental de l’entreprise tout en œuvrant en faveur du progrès social. Les entrepreneurs, eux aussi, peuvent intégrer la RSE au cœur de leur modèle économique pour faire de l’impact sociétal une priorité. Avec sa campagne « One for One », TOMS Shoes incarne parfaitement cette approche consistant à intégrer le bien social à sa stratégie commerciale : pour chaque paire vendue, la marque en offre une à une personne dans le besoin.

En se rapprochant du monde de l’entrepreneuriat, les ONG peuvent également accroître leur efficacité et leur impact. Certaines technologies leur permettent notamment de renforcer leur prestation de services ou de toucher des communautés marginalisées. Ainsi, le partenariat entre Ashoka et des entrepreneurs sociaux mis en place dans différents pays a donné naissance à des projets déployables à grande échelle dans des domaines comme l’éducation, la santé ou encore l’inclusion financière. De même, en collaborant avec plusieurs entreprises sociales, l’ONG BRAC est parvenue à étendre son action en matière de microfinance et de soins de santé auprès des familles à faibles revenus du Bangladesh.

Pour mieux comprendre ces défis et opportunités, il faudra analyser l’influence des contextes culturels sur la réussite des innovations sociales, tout en étudiant la manière dont les outils numériques peuvent amplifier leur portée et renforcer leur efficacité. L’analyse des obstacles culturels à l’implantation de telles initiatives dans d’autres régions pourrait par exemple générer des pistes précieuses, qui permettraient ensuite d’ajuster les modèles à impact social aux différentes réalités locales. En parallèle, les chercheurs devraient se pencher sur les conséquences inattendues des interventions entrepreneuriales, telles que les risques liés au renforcement des inégalités. Une étude de cas sur l’introduction de la microfinance dans diverses communautés pourrait mettre en lumière la manière dont ces initiatives ont pu produire de nouvelles hiérarchies sociales. L’analyse de ces dynamiques permettrait de concevoir des modèles d’innovation plus équitables, qui réduisent les risques tout en optimisant les bienfaits. Enfin, les chercheurs pourraient se pencher sur le rôle des politiques publiques dans le soutien aux entreprises sociales, en proposant des recommandations étayées et concrètes pour élaborer des cadres efficaces.

Conclusion :

Le leadership entrepreneurial est un puissant moteur d’innovation sociale. En valorisant la créativité, la résilience et la collaboration, les leaders ont la capacité de relever les défis sociaux les plus tenaces de notre époque. Pour maximiser leur impact, la mise en place d’écosystèmes robustes et de politiques ciblées est indispensable. Soutenir ces leaders ne consiste pas seulement à encourager l’entrepreneuriat, mais à développer les conditions nécessaires aux changements systémiques qui, partout dans le monde, profiteront aux communautés. Ces transformations comprennent notamment un accès plus large à l’éducation, aux soins de santé ou aux énergies renouvelables (Smith, 2014). Des initiatives comme Barefoot College, qui forme les femmes issues du monde rural aux métiers de l’ingénierie solaire, montrent parfaitement comment le leadership entrepreneurial peut bâtir une infrastructure sociale durable, tout en dynamisant les communautés marginalisées. Mais il est essentiel d’identifier les limites de ces approches lorsqu’elles sont appliquées à des systèmes sociaux complexes. La contestation sociale survenue en France dans le cadre d’une gouvernance trop orientée sur les logiques entrepreneuriales en est la preuve. Pour garantir un progrès social durable, il est indispensable de concilier les initiatives entrepreneuriales avec une bonne compréhension des dynamiques sociétales à l’œuvre. Cela implique de prendre en compte les valeurs culturelles, les contextes politiques, les conditions économiques ou encore les hiérarchies sociales, autant d’aspects qui influencent l’acceptation et la réussite des différents projets. L’intégration des normes culturelles permet par exemple aux leaders d’adapter leurs stratégies aux attentes des communautés, tandis que la stabilité politique peut conditionner la faisabilité et le calendrier des initiatives. En comprenant ces dynamiques, les leaders entrepreneuriaux peuvent ajuster leurs approches, relever des défis précis et saisir des opportunités stratégiques.

Grands axes et recommandations :

Dans cet article, nous avons montré comment le leadership entrepreneurial pouvait stimuler l’innovation sociale et permettre aux leaders de transformer la société en profondeur. À des fins de compréhension et dans le but d’apporter un éclairage contextuel sur les points suivants, nous présentons ci-après quelques stratégies globales pour soutenir les différents acteurs dans la promotion de l’innovation sociale :

Premièrement, les évolutions sociétales passent par l’action de leaders visionnaires capables de mobiliser des ressources, de surmonter les contraintes et de provoquer le changement social. Dans ce texte, nous avons souligné l’aspect unique des caractéristiques qui définissent le leadership entrepreneurial : la créativité, la résilience et la vision. Ces caractéristiques permettent aux leaders entrepreneuriaux de mieux aborder les défis sociaux, grâce à leur capacité à créer des solutions innovantes, à persévérer face aux difficultés et à identifier des opportunités là où d’autres ne voient que des obstacles.Ensuite, nous avons soutenu que le rôle des gouvernements devait être repensé afin d’encourager l’innovation et l’émergence de leaders entrepreneuriaux.Pour ce faire, il est nécessaire d’accorder des subventions et de simplifier les démarches bureaucratiques, ce qui favorisera l’expérimentation et la prise de risques. De telles mesures réduiraient les barrières financières auxquelles les entreprises sociales sont confrontées et faciliteraient les investissements. En outre, les investisseurs devraient soutenir l’entrepreneuriat social et se concentrer non seulement sur les retours financiers, mais également sur l’impact sociétal.Cela permettrait de démontrer l’impact du financement sur l’amplification des innovations sociales. Pour évaluer le succès de leurs investissements, les investisseurs devraient donc intégrer des indicateurs sociaux en parallèle des critères financiers traditionnels.

Deuxièmement, il est crucial de construire des écosystèmes entrepreneuriaux. Dans cette optique, les leaders dans ce domaine pourraient créer des réseaux pour partager leurs ressources et maximiser leur impact, tout en favorisant les programmes de formation axés sur l’impact social. Les leaders communautaires pourraient quant à eux favoriser l’innovation locale en encourageant les activités entrepreneuriales au sein de leurs communautés et en organisant des rencontres entre entrepreneurs locaux et mentors/investisseurs. Cela permettrait de consolider l’écosystème local d’innovation. Comme mentionné précédemment, le soutien politique, les écosystèmes collaboratifs et l’innovation frugale sont essentiels pour étendre l’impact.

Troisièmement, pour relever les défis et saisir les opportunités d’innovation sociale, les entreprises doivent s’impliquer dans des initiatives de RSE en cohérence avec leurs valeurs fondamentales. Elles peuvent également s’investir dans des programmes locaux pour renforcer leurs relations avec la communauté et leur image de marque. Les ONG peuvent également envisager de collaborer avec des leaders entrepreneuriaux afin de co-créer des solutions innovantes. Ces alliances leur permettent de profiter d’une réflexion innovante, d’accéder à des ressources inédites et de créer des solutions plus impactantes. Les chercheurs pourraient également jouer un rôle en se penchant sur les conséquences inattendues des interventions entrepreneuriales.