Les BRICS+ et les PIIGS poussent les institutions internationales à se réinventer
INCERTITUDES - Influences, géopolitique, numérique, risques

Les BRICS+ et les PIIGS poussent les institutions internationales à se réinventer

BRICS+ et « flying » PIIGS : du passé faisons table rase ? (partie 3/3)

Contexte

Succédant aux parties 1 et 2 de notre réflexion sur les BRICS+ et les PIIGS, cette troisième partie analyse l’influence de la montée des BRICS+1 et des PIIGS2 sur l’ordre mondial. Nous y évoquerons des pistes de réformes sur le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’évolution nécessaire du Fonds Monétaire International (FMI), et l’influence croissante de la place des PIIGS dans l’Union Européenne (UE). Nous soulèverons également le rôle que peut jouer la France pour se (re)positionner en tant que pivot géopolitique à la fois à l’échelle continentale et internationale.

Introduction 

Les institutions internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI, l’UE et l’ONU sont confrontées à une influence croissante de la part des BRICS+. Il en va de même pour l’Union européenne avec les PIIGS. En témoignent la mise en place de la Nouvelle banque de développement (NBD), le projet de nouveau système de paiement parallèle au SWIFT ou le sommet annuel des BRICS+. S’ajoutent à cela les récentes évolutions géopolitiques, avec la guerre en Ukraine et les tensions au Moyen-Orient, qui illustrent les nouveaux enjeux auxquels les institutions internationales sont confrontées. Face à la concurrence des institutions internationales émergentes et la capacité d’influence limitée des institutions internationales établies, il est dans l’intérêt de ces dernières d’entreprendre des réformes significatives.

Conseil de sécurité de l’ONU : La réforme ou la fin

Les Nations Unies ont été créées lors de la conférence de San Francisco en 1945. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité – les États-Unis, la Russie (d’abord URSS), la Chine, le Royaume-Uni et la France – ont été choisis en raison de leur influence géopolitique du fait de leur rôle crucial dans la victoire lors de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, comme l’explique l’historien Stephen Schlesinger, « le Conseil de sécurité a été conçu pour être le garant ultime de la paix mondiale, avec des pouvoirs exécutifs uniques et contraignants » (Schlesinger, 2003).

Cependant la structure actuelle ne reflète plus les dynamiques internationales contemporaines et suscite des interrogations croissantes quant à sa légitimité. Des continents entiers (Afrique, Amérique latine…) ou de grands pays (Inde, Japon, Brésil, Afrique du Sud…) ne disposent pas d’un pouvoir d’influence proportionné à leur taille et importance. Une réforme du Conseil de sécurité a été réalisée en 1965 avec l’intégration de dix membres non permanents par roulement de 2 ans, renouvelables chaque année mais non pourvus du droit de veto. Cette réforme a donné plus de représentativité au Conseil de sécurité mais avec le système du veto le rapport de forces est inégal. Comme le souligne l’économiste et homme politique colombien José Antonio Ocampo (2013), la gouvernance mondiale devrait refléter la nouvelle réalité économique. Ainsi, bien avant la montée en puissance des BRICS+ et des PIIGS, cette réforme semblait nécessaire dans un souci de représentativité du monde contemporain et de légitimité dans son objectif de « promouvoir la paix et le développement » (Hathaway & Shapiro 2017).

Intégrer des nouveaux membres pour regagner en crédibilité

Dr Sabine Hassler soutient que « un élargissement bien conçu du Conseil de sécurité pourrait favoriser des décisions plus équilibrées et mieux acceptées par la communauté internationale » (Hassler 2013). Une telle diversité enrichirait les débats et permettrait de mieux aborder les crises internationales. Déjà en 2005, le « G4 », un groupe composé de l’Allemagne, du Japon, de l’Inde et du Brésil proposait un projet de résolution d’élargissement de six sièges permanents (Nations Unies 2023). Inclure ces pays permettrait de moderniser le Conseil et de le rendre plus représentatif des réalités géopolitiques actuelles. Mais cela renforcerait plutôt le bloc Etats-Unis, Royaume Uni, et France, face à un bloc Russie – Chine, deux blocs qui votent globalement en accord. Une autre option serait d’intégrer simultanément deux membres des BRICS+ et deux membres du G7. Cela permettrait de résoudre les problématiques de représentativité tout en respectant les équilibres géopolitiques existants. Resterait le point de l’Afrique, qui, comme y insiste Kofi Annan resterait, avec 54 Etats membres de l’ONU, la seule région non représentée (Annan 2012).

En outre, se pose la question du droit de veto qui de facto a souvent limité l’action du Conseil de sécurité… Certes le veto est souvent utilisé par un des pays membres du Conseil de sécurité quand il est un acteur direct ou indirect du conflit. Mais sa limitation ne donnerait-elle pas lieu à des coalitions de circonstance qui auraient le même résultat ? Les propositions ont été résumées dans l’ouvrage Key Documents on the Reform of the UN Security Council 1991-2019 (Fassbender 2020). Elles peuvent être regroupées en trois catégories. La première est l’octroi de ce droit aux nouveaux membres potentiels du Conseil de sécurité, sous réserve d’un moratoire de plusieurs années (15 ans). La seconde repose sur la limitation de son utilisation aux questions relevant du chapitre 73 et l’interdiction de son utilisation pour les actions du Conseil visant à prévenir ou à mettre fin à un génocide. La troisième suggère l’exigence de votes « contre » provenant d’au moins deux membres permanents pour bloquer l’action du Conseil de sécurité (aujourd’hui un seul vote contre suffit).

Est-il possible de réformer ?  

L’intégration des dix membres non permanents dès 1965 donne un peu plus de représentativité au Conseil de sécurité et les récents travaux, bien qu’incomplets et insuffisants, sont des signes positifs d’avancement.

Les raisons politiques de l’absence de réforme de fond sont évidemment les intérêts nationaux des États membres, inquiets de perdre en influence par rapport au statu quo actuel (Hosli & Dörfler 2019). Puis, des raisons juridiques résident dans le fait qu’un changement de statut concernant le Conseil de sécurité de l’ONU nécessite à la fois une majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée générale et une ratification par les cinq membres permanents. Actuellement, ce seuil juridique semble constituer un obstacle insurmontable à une révision formelle de l’article 27 de la Charte, réservée à l’usage du droit de veto.

La guerre en Ukraine, impliquant directement un des membres permanents, a catalysé des développements importants sans pour autant régler la question de la réforme. D’abord l’initiative du veto4 du 22 avril 2022, suivi de l’engagement pris par les États-Unis de « s’abstenir de recourir au veto, sauf dans des situations rares et extraordinaires » (Schäfer 2022). Puis, la résolution franco-mexicaine sur un accord collectif et volontaire entre les membres permanents du Conseil de sécurité visant à s’abstenir d’y recourir en cas d’atrocités de masse (Global Centre for the Responsibility to Protect 2015). Toutefois, notons que la notion d’atrocité de masse est jugée inapplicable aux évènements actuels en Ukraine et dans la bande de Gaza.

La démarche d’intégration de nouveaux pays au nom d’une meilleure représentativité pourrait venir en priorité des pays qui ont le plus « à perdre » comme la France et la Grande Bretagne. En échange, les autres membres du Conseil se verraient contraints de réformer l’utilisation du vote en limitant son usage à un nombre limité de recours. On pourrait aussi imaginer qu’un groupe de pays aux intérêts plus éloignés s’associent pour présenter ces réformes au sein de l’ONU. Par exemple, l’association des PIIGS (membres du « Nord ») et les MINT5 (membres du Sud) présenterait l’avantage d’être équilibrée et dépourvue d’intérêt puisqu’aucun des membres de ces deux groupes de pays ne deviendrait membre du Conseil.

Banque mondiale et FMI face à la concurrence de la Nouvelle banque de développement

La création en 2014 de la NBD par les BRICS+, véritable alternative au FMI, est un exemple de ce que peut faire un groupe de pays puissants s’il considère qu’une organisation existante, dans ce cas le FMI, ne reflète pas suffisamment ses intérêts. Même si, dix ans plus tard, on peut considérer que la NBD ne s’est pas encore totalement imposée comme une alternative crédible, tant sur le volume échangé que sur l’attribution des projets (Millar 2023). Pour autant, elle a réussi à se positionner comme la Banque des pays du Sud. D’autant plus que de nombreux pays ayant contracté des prêts avant la pandémie de la COVID-19 ont connu de grandes difficultés à les rembourser, ce qui a renforcé une certaine image du FMI comme une institution « non amicale » (Jha 2022). Néanmoins, cette critique est à nuancer, dans la mesure où des accusations similaires peuvent être portées à l’encontre des prêts chinois qui contribuent à étrangler des économies. En 2022, un rapport du China Africa Research Initiative fait état de prêts chinois qui ont contribué à la crise économique du Sri Lanka.

Le point principal de blocage du FMI n’est pas son principe qui est d’aider au financement les pays en développement, mais plutôt les motifs d’attribution, les conditionnalités et le poids de vote des pays. En effet, contrairement à la NBD qui attribue un même nombre de votes à chaque membre, les 24 membres du Conseil d’administration du FMI n’ont pas le même poids dans les décisions : « Les Etats-Unis qui disposent de 17,4 % des quotas (quotes-parts du capital) au Fonds ne sont pas prêts à les réduire au profit de grands pays tels que la Chine, qui détient seulement 6,4 % des quotas, malgré son poids économique mondial » (Hiault 2023). De plus, le FMI valide principalement les projets attribués selon des critères de restructuration de la dette en respect des règles du club de Paris. Les politiques de prêt doivent donc être ajustées pour mieux répondre aux besoins des économies émergentes, favorisant le développement durable plutôt que l’austérité (Stiglitz & Gallagher 2022). Sans cette réforme, les économies émergentes pourraient être confrontées à une stagnation économique accrue et à une augmentation des crises financières, ou simplement se diriger encore plus fréquemment vers la NBD pour se financer. On précisera le rôle décisif des Etats-Unis dans le blocage de cette réforme.

La place du dollar dans les échanges financiers n’est pas encore en jeu, tant il règne sur l’économie. Cependant, les BRICS+ se sont entendus pour réduire son influence. Aglietta rappelle que la Chine impose progressivement le yuan comme monnaie internationale de référence (Aglietta et al 2022). Cette stratégie est conditionnée par la structure même de son économie, dont les échanges commerciaux se font en dollar. Cependant, l’ouverture financière relative de Pékin, l’endettement du secteur privé avec la bulle immobilière de 2023 et le durcissement de nombreuses réglementations plaident pour l’hypothèse d’une internationalisation lente du yuan. Celle-ci semble inéluctable et viendra tôt ou tard défier la puissance financière et monétaire américaine. Alors que tous les prêts du FMI sont contractés en dollars, la NBD émet elle-même des obligations en yuan pour se financer.

Autre tendance visible : sous la pression de la Chine et de la Russie, le billet vert est moins utilisé pour le paiement de diverses matières premières, surtout depuis les sanctions qui pèsent sur Moscou. Par ailleurs, afin de réduire sa dépendance à l’égard du réseau SWIFT, principal système de messagerie financière occidental, Pékin a lancé son propre système, le CIPS, qui a procédé quotidiennement à plus de 19 milliards de dollars de transactions en 2020, et la fédération de Russie a lancé le sien en 2023.

Ainsi, réformer le FMI et la Banque mondiale sont des étapes indispensables pour leur pérennité et cela pour deux raisons : d’une part, les pays du Sud, porté par les BRICS+, qui par ailleurs représentent deux tiers de la population mondiale et de l’économie mondiale, utilisent de plus en plus la NBD. D’autre part, parce que la place du dollar dans l’économie mondiale est déjà en jeu, cette même NBD émettant de nombreux prêts en yuan.

Face à ce constat les Etats-Unis vont faire face à un dilemme important : la première option est d’accepter de réduire la part de leur droit de vote au FMI, pour rendre cette institution plus équilibrée, ce qui lui rendrait de la légitimité, réduirait par la même occasion celle de la banque des BRICS+, et permettrait de garder le dollar comme monnaie de référence. La deuxième option est de geler les droits de vote (favorable aux Etats-Unis), quitte à continuer de renforcer le poids de la NBD.

L’UE fait évoluer ses critères pour s’adapter au nouvel équilibre des PIIGS

La pression des partenariats de pays comme les BRICS+ pourrait pousser les institutions internationales à se réformer pour être plus représentatives des équilibres mondiaux, sur les plans géopolitiques avec le conseil de sécurité de l’ONU et économiques avec le FMI. On peut s’attendre à une démarche similaire de la part des PIIGS au sein de l’UE avec une ambition visant à réduire l’influence de l’Allemagne et d’une moindre mesure celui du couple franco-allemand sur les outils politiques (Commission européenne) mais surtout économiques et financiers (BCE).

La réforme du pacte de stabilité et de croissance (PSC) : une première victoire des PIIGS

Ce pacte, qui impose un cadre à chaque pays membre de l’UE, comporte deux contraintes principales. Il reprend certains principes édictés par le traité de Maastricht de 1992 sur l’engagement des Etats à maintenir leur déficit en dessous de 3 % du PIB et leur dette publique à un niveau inférieur à 60 % de leur PIB. Dès 2019, Jean Pisani-Ferry suggérait une évolution (Pisani 2019). Depuis la sortie de la pandémie, le développement économique des pays PIIGS couplée au ralentissement de la croissance en Allemagne (et dans une moindre mesure la France) a permis une évolution des règles : la Commission a débuté le réexamen du PSC. Dès la fin de l’année 2019, les pays plus endettés comme l’Italie, l’Espagne ou la France, se sont montrés favorables à une révision du pacte, tandis que les pays nordiques et l’Allemagne défendaient plutôt un maintien du PSC dans sa version traditionnelle, c’est-à-dire marqué par une politique d’austérité.

Cette révision a introduit des sanctions moins sévères mais plus faciles à appliquer, tout en permettant aux États endettés de continuer à investir dans les priorités de l’Union européenne (Toute l’Europe 2024). En novembre 2022, la Commission européenne a présenté les premières pistes de sa réforme du PSC. Les Etats membres sont ensuite parvenus à un accord en décembre 2023. Puis, le Parlement européen a finalement validé cette réforme le 23 avril et le Conseil le 29 avril pour une entrée en vigueur le 30 avril 2024.

Les PIIGS ont également été à l’avant-garde des initiatives pour une transition verte et numérique de l’économie européenne, matérialisées notamment par le projet des fonds Next Generation (Europe en France).  L’Italie et l’Espagne sont les deux premiers pays bénéficiaires, et la Grèce et le Portugal respectivement 5e et 7e, de ce plan de 750 Milliards d’euros (la France étant le 4eme bénéficiaire). La réforme du PSC a intégré ces priorités en permettant des investissements publics substantiels dans des infrastructures vertes et numériques, même pour les pays avec des niveaux de dette élevés. Cette approche vise à soutenir une croissance durable et à réduire les inégalités économiques au sein de l’UE​.

La crise énergétique et la solidarité européenne

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a déclenché une crise énergétique en Europe. Les PIIGS, notamment l’Espagne et le Portugal, ont obtenu des exceptions spécifiques pour atténuer l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les consommateurs. Cette situation a mis en lumière la nécessité d’une coordination plus étroite des politiques énergétiques et fiscales au sein de l’UE​. Les PIIGS essaient en 2024 d’étendre au reste de l’Union l’exception ibérique, qui désindexe les prix du gaz et de l’électricité de manière pérenne.

Reconnaissance de la Palestine : les pays du Sud poussent le reste des Etats membres à reconsidérer leur position

L’Espagne, rejointe par l’Irlande et la Slovénie (et hors UE la Norvège), a été particulièrement active, annonçant en mai 2024 leur reconnaissance officielle de la Palestine comme État indépendant​ (Stimson 2024). Cette initiative a intensifié la pression sur d’autres États membres pour reconsidérer leur position, mettant en lumière les divisions historiques de l’UE sur cette question. Les PIIGS ont ainsi pris une initiative diplomatique, forçant d’une part les autres partenaires comme la France ou l’Allemagne, mais aussi l’UE en tant qu’institution à se positionner (Brunori 2024). Cette démarche a permis de noter des évolutions de la part des pays et des institutions européennes sur la question. Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a soutenu ces initiatives, sortant d’une traditionnelle neutralité et soulignant la nécessité d’une solution à deux États et encourageant les États membres à prendre des mesures concrètes pour soutenir ce processus​… Le président français Emmanuel Macron a déclaré que la reconnaissance de la Palestine n’était pas un sujet tabou, mais qu’elle devait se faire à un moment « utile »(Le Figaro 2024). La France n’a pas encore franchi le pas de la reconnaissance officielle, préférant travailler dans le cadre d’une solution négociée​. Le ministre des Affaires étrangères français Stéphane Séjourné a critiqué les initiatives des PIIGS en les considérant comme du « positionnement politique » plutôt que des efforts pour résoudre le conflit israélo-palestinien​.

Une occasion unique pour la France de se positionner comme pivot géopolitique

Au niveau international

Les besoins de réformes au sein des institutions internationales soulevés par les BRICS+ pourraient être une opportunité pour la France de se re(positionner) sur l’échiquier mondial. Au sein de l’ONU, la France pourrait agir pour faire évoluer le Conseil de sécurité en proposant d’inclure de nouveaux membres. Encore faut-il qu’elle se trouve des alliés sûrs. Reste la question de l’usage du veto. L’idée est de se positionner comme un point d’équilibre entre les couples respectifs Grande Bretagne-Etats-Unis et Chine-Russie. Jusqu’au début des années 2000 c’était la stratégie d’influence de la France. En s’éloignant du couple anglo-américain, la France gagnerait fortement en crédibilité auprès des pays du Sud, plus particulièrement africains et sud-américains, qui nourrissent aujourd’hui un certain anti-américanisme. Sa perte d’image notamment vis-à-vis de la Russie dans de nombreux pays africains pourrait être enrayée par une évolution de sa politique internationale, moins alignée sur la position américaine. Car la propagande russe utilise le levier du « Nord » – représenté par la France, ancien colonisateur appuyé par les Etats-Unis, puissance dominante depuis 50 ans- contre le « Sud » porté par la Russie. Bien que risquée car elle diluerait le poids de la France si le conseil passe de 5 à 9 ou 10 membres, cette posture d’indépendance permettrait de (re)prendre un leadership.

Au niveau européen

L’Italie et l’Espagne sont les 3ème et 4ème puissance de l’UE et la France pourrait s’appuyer sur les PIIGS, qui comme nous l’avons vu, gagnent en crédibilité d’un point de vue économique, budgétaire et diplomatique. Sans pour autant s’écarter du couple franco-allemand, voire franco-suédois, Paris devrait profiter de la dynamique des pays du Sud de l’Europe pour faire évoluer les institutions vers plus de flexibilité. Cette démarche a déjà été lancée par le président français Emmanuel Macron lors des signatures du traité du Quirinal en 2021, et du traité de Barcelone en 2023. Ces traités visent à renforcer la coopération bilatérale entre pays, qui pourrait être renforcée sur des thématiques telles que les énergies renouvelables, l’Europe de la défense, les politiques migratoires ou les politiques européennes en Méditerranée.

Conclusion

Les groupes de pays BRICS+ et PIIGS ont lancé sur les dix dernières années de nombreuses initiatives économiques, diplomatiques, qui ont renforcé leur positionnement stratégique sur les plans européen et international. En dehors des sommets annuels, les BRICS+ continuent de grandir et de revendiquer une gouvernance mondiale plus équilibrée que celle existant actuellement. De la même manière les PIIGS s’emploient à influencer la gouvernance de l’UE. Du côté de l’ONU et son Conseil de sécurité, l’évolution du rapport de forces géopolitique plaide pour une réforme, le Conseil de sécurité ne représente plus le monde dans sa diversité, les puissances de 1945 ne sont plus celles de 2024. La France peut utiliser toutes ces dynamiques pour se (re)positionner comme un pivot géopolitique européen et mondial.

Retrouvez l’intégralité des trois notes ci-dessous :


  1. Les BRICS+ sont un groupe géopolitique regroupant dix pays du «Sud global»: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Égypte, Iran, Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Éthiopie. ↩︎
  2. “Flying PIIGS” ou seulement PIIGS est un acronyme utilisé pendant la crise de 2008 pour qualifier cinq pays européen en grande difficulté économique: le Portugal, l’Italie, l’Ireland, la Grèce et l’Espagne. ↩︎
  3. Le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies concerne les actions à mener en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression. ↩︎
  4. Résolution 76/262 de l’AGNU, « Mandat permanent permettant à l’Assemblée générale de tenir un débat en cas de recours au droit de veto au Conseil de sécurité » (UN Doc. A/RES/76/262) du 26 avril 2022, adoptée par consensus. ↩︎
  5. Mexique, Indonésie, Nigeria, Turquie. Une appellation reprise par l’économiste Jim O’Neill, qui avait popularisé le terme de BRIC lorsqu’il travaillait chez Goldman Sachs (Les Affaires) ↩︎