Une IA à mission : L’IA au service de l’écologie, de la santé et de l’éducation
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Une IA à mission : L’IA au service de l’écologie, de la santé et de l’éducation

Table ronde « AI for Ecology, Health, and Education », par le SKEMA Centre for Artificial Intelligence et SKEMA Publika, avec le soutien d’ENGIE Research & Innovation et du MIT Club de France

Recommandations
  • Mesurer l’impact réel de l’IA : Chaque solution doit générer plus de bénéfices que de de dommages.
  • Placer l’humain au cœur des systèmes : L’IA doit aider à la décision sans jamais remplacer le jugement ni la responsabilité de l’utilisateur.
  • Renforcer la gouvernance éthique : Transparence, supervision humaine et responsabilité doivent être des réflexes organisationnels.
  • Former à l’esprit critique : Comprendre le fonctionnement, les biais et les limites de l’IA c’est former des citoyens capables de choisir la technologie plutôt que de la subir.
  • Encourager la recherche interdisciplinaire et collaborative : Croiser les expertises pour trouver des solutions réellement utiles à la société.

Le 23 octobre 2025, le SKEMA Centre for Artificial Intelligence et SKEMA Publika accueillaient un panel d’experts internationaux pour une table ronde consacrée à une intelligence artificielle utile dans les domaines de l’écologie, de la santé et de l’éducation.

La table ronde « AI for Ecology, Health, and Education » au campus Grand Paris de SKEMA Business School.
La table ronde « AI for Ecology, Health, and Education » au campus Grand Paris de SKEMA Business School.

Dans un monde bouleversé par l’arrivée et la montée en puissance de l’intelligence artificielle, il devient essentiel de réfléchir à la mise en œuvre d’une IA à mission. À la suite de la publication de l’ouvrage collectif Artificial Intelligence for Ecology, Health, and Education, dirigé par Margherita Pagani, cette conférence met l’accent sur une approche de l’IA centrée sur l’humain, avec des algorithmes conçus et déployés au service des valeurs humanistes, de l’éthique et de l’intérêt général.

Au SKEMA Centre for Artificial Intelligence, le concept d’IA à mission est au cœur de la stratégie de recherche. Il guide la mission du Centre afin de s’assurer que l’innovation technologique serve la société de manière responsable, en promouvant un développement réellement durable. Comme Margherita Pagani l’explique « l’intelligence artificielle ne doit pas seulement servir le progrès technologique mais l’humanité en promouvant un progrès durable au sein des domaines vitaux que sont l’écologie, la santé et l’éducation ». Le livre qu’elle a dirigé explore le potentiel transformatif de l’IA à travers ces trois domaines critiques, tout en abordant de manière réfléchie ses implications éthiques. Il décrit comment l’IA peut améliorer la vie humaine en dépassant nos limites techniques et devenir un véritable outil au service du développement durable.

Frédérique Vidal, directrice du développement de SKEMA Publika, a ouvert et conclu la conférence en rappelant l’enjeu central de cette rencontre : imaginer une intelligence artificielle véritablement centrée sur l’humain. Elle a souligné que cette ambition s’inscrit pleinement dans la stratégie Unveil 2030 de SKEMA Business School, qui vise à renforcer la recherche, l’innovation responsable et l’interdisciplinarité afin d’apporter des réponses concrètes aux grands défis contemporains. Elle a également insisté sur le potentiel considérable de l’IA, tout en appelant à un usage raisonné et éclairé de cette technologie. L’objectif est de faire de l’intelligence artificielle un levier au service du bien commun, capable d’accompagner les transformations de nos sociétés sans en trahir les valeurs fondamentales.

Écologie : L’IA entre accélérateur et défi de la transition durable

Face à l’urgence climatique, l’intelligence artificielle est souvent présentée comme un levier technologique essentiel pour accélérer la transition énergétique. Chez ENGIE, par exemple, les algorithmes d’optimisation permettent de réduire les pertes sur les réseaux, de mieux prévoir la demande et de soutenir les énergies renouvelables. Dans ce domaine, l’IA aide à modéliser des scenarii complexes et à identifier des gains d’efficacité invisibles autrement.

Cependant, il ne faut pas oublier le paradoxe environnemental qu’entraîne cette technologie. Les infrastructures nécessaires à son fonctionnement (data centres, entraînement des modèles, stockage de données) consomment d’énormes quantités d’électricité et d’eau. Certains pays, comme l’Irlande ou le Chili, connaissent déjà des tensions sur leurs ressources à cause de la multiplication des centres d’IA. Mihir Sarkar (Head of AI – ENGIE Research & Innovation) a rappelé que l’IA doit désormais être évaluée selon un retour carbone net positif, elle ne sera réellement durable que si les émissions qu’elle permet d’éviter excèdent celles qu’elle engendre.

Chaque solution d’IA doit produire plus d’effet positif qu’elle ne consomme d’énergie.

Les contributions présentées dans l’ouvrage montrent que la durabilité dépend aussi du facteur humain et social. À l’Université catholique portugaise (Católica Lisbon), la recherche interroge la transformation des modèles économiques des entreprises sous la contrainte écologique. À l’Université de Californie du Sud, des travaux utilisent l’IA générative pour impliquer les communautés locales dans la représentation du changement climatique. Ainsi, loin d’une solution miracle, l’IA pour l’écologie oblige à penser des compromis entre progrès technologique, impact environnemental et gouvernance collective.

Santé : Entre promesses médicales et vigilance éthique

Dans le domaine de la santé, les espoirs sont également importants. L’IA contribue déjà à accélérer la recherche, à améliorer les diagnostics et à personnaliser les traitements. Elle aide les médecins à mieux interpréter les images médicales, à prédire l’évolution de certaines pathologies ou encore à développer de nouveaux médicaments. Les travaux du Carnegie Mellon Center for Machine Learning and Health explorent, entre autres, comment la gamification peut favoriser la prévention et l’éducation thérapeutique.

Le risque d’un usage excessif de l’IA à toutes les étapes du parcours thérapeutique est de créer une médecine déshumanisée. Déléguer des décisions vitales à des algorithmes non transparents interroge les principes même de la responsabilité médicale. Des dérives comme celles du projet Neuralink rappellent combien la frontière entre innovation thérapeutique et expérimentation technologique sur l’être humain peut être fragile. Christine Balagué (professeur en sciences de gestion du comportement du consommateur digital – Institut Mines-Télécom Business School), membre du comité prospectif de la Haute Autorité de Santé, a insisté sur la nécessité d’une IA responsable fondée sur quatre principes : justice, autonomie, bénéfice et non-malfaisance. Elle a rappelé que de nombreux algorithmes, notamment aux États-Unis, reproduisent encore des biais discriminants selon l’origine ethnique ou le statut socio-économique des patients.

En santé, l’IA est prometteuse si et seulement si elle est responsable, l’éthique n’est pas qu’un texte, c’est une gouvernance et des processus.

De son côté, l’Union européenne avance sur ces enjeux avec l’AI Act qui classe la santé parmi les secteurs à haut risque et impose traçabilité, auditabilité et supervision humaine des systèmes d’intelligence artificielle en santé. Cependant, la régulation ne suffira pas à elle seule. La protection des patients et d’un système de santé humain passera également par la transformation de l’organisation des hôpitaux, la formation des praticiens, la gestion de la cybersécurité et la définition de garde-fous face à la tentation transhumaniste. L’IA médicale ne doit pas remplacer le jugement humain mais l’augmenter, en renforçant la transparence, la confiance et la relation soignant-patient.

Éducation : Former à l’esprit critique à l’ère de l’IA générative

L’essor de l’intelligence artificielle générative renverse les fondements de l’enseignement. Rédiger un essai, résoudre un problème ou dessiner une image deviennent possibles en quelques secondes grâce à l’IA générative. Pour Erwan Paitel, Inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, cette révolution impose de repenser la pédagogie. Plutôt que d’interdire l’outil, il s’agit d’apprendre à s’en servir intelligemment, d’en comprendre son fonctionnement, ses limites et ses biais. Pour lui former à l’IA c’est former à l’esprit critique et donc aux humanités.

Pour autant, les bénéfices de l’IA sont réels dans l’éducation. Elle permet de personnaliser l’apprentissage, d’individualiser le soutien et de gagner du temps pour les enseignants. Le secteur des EdTech (technologies éducatives) est en plein développement et constitue une opportunité d’innovation que France 2030 soutien déjà avec des solutions adaptatives capables d’ajuster le rythme et le contenu des cours aux besoins de chaque élève. Dans ce contexte, SKEMA Entrepreneurs accompagne plusieurs projets portés par ses étudiants, dont Skesia, un jeu éducatif qui facilite l’apprentissage des mathématiques. Néanmoins, une utilisation non raisonnée de l’IA dans le milieu éducatif entraînerait des risques pédagogiques et sociaux. En effet, les intervenants ont alerté sur les cas déjà existants de perte de créativité, de dépendance cognitive, d’homogénéisation des savoirs et de fracture numérique entre établissements. L’autre défi, plus délicat, consiste à arbitrer entre impératifs commerciaux et maîtrise du risque. Dire non à une affaire séduisante mais risquée reste un test de crédibilité pour toute organisation. La compliance n’a de sens que si elle peut réellement bloquer un contrat, preuve ultime de sa reconnaissance comme une fonction stratégique et non symbolique.

Former à l’IA c’est d’abord former des citoyens capables de juger l’information et la machine.

L’enjeu n’est pas seulement technique mais citoyen. Dès le primaire, les enfants doivent apprendre que la machine ne pense pas mais qu’elle imite. Au collège et au lycée, il faut développer l’esprit critique face aux contenus générés et, dans le supérieur, apprendre à mobiliser ces outils pour innover sans renoncer à la rigueur intellectuelle. Ainsi, l’école doit devenir le premier laboratoire d’une IA éthique, le lieu où l’on apprend à questionner la technologie avant de l’utiliser.

Une intelligence artificielle au service du vivant

De l’écologie à l’éducation, en passant par la santé, un même constat s’impose, l’intelligence artificielle n’a de sens que si elle sert l’humain et le vivant. Les intervenants ont rappelé que l’enjeu n’est plus d’adopter l’IA, mais de déterminer les valeurs qui guideront son développement. Une IA à mission, une IA durable, est d’abord une IA mesurée, dont les effets positifs doivent dépasser l’empreinte énergétique et sociale. Elle repose sur une gouvernance éthique, où transparence, supervision humaine et responsabilité collective priment sur la seule performance technologique. Cette ambition ne pourra prendre corps que par l’éducation. Apprendre à comprendre, à en reconnaître les biais et à en orienter l’usage sont les piliers de l’éducation à l’IA. Cette éducation est aujourd’hui ce qui préparera les citoyens éclairés de demain, capables de choisir la technologie qu’ils utilisent et non de la subir.

En réunissant, chercheurs, entreprises et institutions, SKEMA réaffirme son engagement pour une IA à mission, qui éclaire, soigne et éduque autant qu’elle innove.

Visionner la conférence

À propos
  • Margherita Pagani (professeur, directrice du SKEMA Centre for AI)
  • Tom Davenport (professeur, Babson College ; co-fondateur, International Institute for Analytics ; membre, MIT Initiative on the Digital Economy ; Senior Advisor, Deloitte)
  • Anuchika Stanislaus (conseillère numérique et grands projets, France 2030)
  • Mihir Sarkar (Head of AI, ENGIE)
  • Christine Balagué (professeur, Institut Mines-Télécom Business School)
  • Erwan Paitel (inspecteur général, Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche)
  • Frédérique Vidal (directrice de la stratégie et de l’impact scientifique de SKEMA Business School)

Le livre

Page de couverture du livre sur l'IA au service de l'écologie, de la santé et de l'éducation.
À propos

Cet ouvrage prospectif explore le potentiel transformateur de l’IA dans trois domaines essentiels : l’écologie, la santé et l’éducation, tout en abordant de manière réfléchie ses implications éthiques. Il décrit comment l’IA peut améliorer l’expérience humaine au-delà de ses capacités technologiques, ce qui en fait un outil unique pour un progrès durable.

Découvrez l’interview de Margherita Pagani, directrice de publication